Les sept péchés du psychiatre (Article du Docteur Alain Bottéro)
"Les sept péchés du psychiatre
(Alain Bottéro)
Le journal de l'Association Américaine de Psychiatrie Psychiatric Services publie régulièrement dans sa tribune intitulée personal accounts des témoignages de patients qui font part de leur expérience des soins psychiatriques. La plupart de ces récits sont poignants, qui évoquent des vies de souffrance, de lutte, d'incompréhension, d'échec ; certains, plus vigoureux, en profitent pour dire leur fait aux psychiatres. Betty Blaska fait partie de cette catégorie combative. Affichant vingt ans de psychiatrie lourde (dont pas moins de treize hospitalisations, au cours desquelles elle a eu largement le temps de partager ses impressions avec celles d'innombrables compagnons d’infortune), elle ne mâche pas ses mots. Sans rejeter en bloc toute assistance psychiatrique (elle admet même avoir eu sa vie sauvée par une psychiatre particulièrement dévouée), elle dresse la liste de ce qu'elle considère les sept erreurs les plus couramment commises par les prescripteurs de psychotropes à l'égard de leurs patients. Sa requête mérite d'être entendue et méditée...
Erreur n°1 : se tromper de prescription à la suite d'une erreur de diagnostic. Ce fut son cas : un trouble thymique malencontreusement étiqueté schizophrénie, avec toute l'aggravation qui devait résulter d'un traitement longtemps inadéquat. Etant donnée l'insidieuse puissance des neuroleptiques, l'erreur coûte généralement cher aux victimes qui se trouvent embarquées malgré elles sur l'interminable tapis roulant des prises en charge psychiatriques neuroleptisées.
Erreur n°2 : avoir la main trop lourde en matière de posologie, avec pour résultat que les complications iatrogènes finissent par occuper le devant de la scène et obvier aux effets thérapeutiques recherchés.
Erreur n°3 : une propension excessive au bricolage psychotrope. Un premier médicament tarde à agir, on le "potentialise" par un second. Rien ne se passe, on y adjoint un troisième. Surviennent des effets indésirables, autant de "correcteurs" alourdissent un peu plus encore une prescription déjà bien chargée… Sans parler des associations purement symptomatiques, dans lesquelles l'anxiété relève d'un psychotrope, le délire d'un autre, la dépression d'un différent encore, l'instabilité d'un quatrième, l'insomnie d'un cinquième, etc. Quel malade ne sort pas, de nos jours, d'un service de psychiatrie universitaire en vue avec ses vingt ou vingt-cinq comprimés à avaler du matin au soir ?
Erreur n°4 : minimiser systématiquement les effets secondaires ressentis par les patients. S'il est une observation répétée dans les HP, c'est bien l'écart considérable de tolérance qui se manifeste entre les psychiatres et leurs patients vis-à-vis des effets extra-pyramidaux…
Erreur n°5 : dévaluer l'expérience que possèdent certains patients à l'égard de leurs symptômes, alors que celle-ci, prise au sérieux, constitue le moyen le plus sûr pour le médecin d'établir la relation de confiance qui permette que tous les efforts se conjuguent.
Erreur n°6 : décourager l'envie, légitime, des patients d'en savoir plus sur leur maladie et leurs traitements.
Erreur n°7 : s'en tenir à ce que Betty Blaska appelle une "relation d'ordonnancier". Rien de plus humiliant, pour celui qui souffre, de constater que l'essentiel de ce qu'il s'efforce de communiquer avec difficultés n'atteint pas un médecin soucieux de délivrer son ordonnance pour en terminer au plus vite.
Comment se prémunir d'erreurs si communes ? Pour Betty Blaska, il n'existe qu'une seule façon : partager la responsabilité des décisions thérapeutiques avec les patients. "La guerre ! c'est une chose trop grave pour la confier aux militaires", disait Clemenceau. Blaska prononcerait bien la même sentence sur les psychiatres et la souffrance psychique.
Geller J.L. Psychiatric Services 2000 ; 51 : 713-716."
La source de cet article est sur :
http://www.neuropsychiatrie.fr/numero-article.asp?pId_art=291&pId_num=2…Bonne Lecture Françoise