Madame, Monsieur,
Comme vous le savez, les benzodiazépines et produits apparentés font l’objet d’une surveillance active par l’Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) pour limiter la consommation et améliorer le profil de sécurité d’emploi de ces spécialités.
En raison du risque de dépendance, d’abus et d’usage détourné par les toxicomanes, plusieurs mesures, notamment de retrait, de déremboursement et de suppression de fort dosage, ont été prises successivement au cours des 15 dernières années.
En 1991, la durée de prescription a été réduite à 4 semaines pour les hypnotiques et à 12 semaines pour les anxiolytiques. Depuis février 2001, les spécialités à base de flunitrazépam doivent être prescrites sur ordonnance sécurisée pour une durée limitée à 14 jours.
Les benzodiazépines et produits apparentés ont été rarement impliqués dans la survenue de troubles du comportement, parfois appelés syndromes paradoxaux, pouvant induire un risque pour le patient lui-même ou pour autrui.
Toutefois de telles manifestations ont été observées sous posologie normale, indépendamment de la durée du traitement. Elles semblent être favorisées par des facteurs liés au patient mais aussi à la prescription. Ces données ont conduit l’Afssaps à organiser une réflexion sur le bon usage de ces médicaments.
Ce risque, rare mais potentiellement grave, peut être évité en respectant les recommandations de bon usage rappelées dans la mise au point jointe.
Je vous remercie de nous accompagner dans cette nouvelle démarche visant la réduction du risque iatrogène médicamenteux.
Je vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.
Philippe DUNETON
Mise au point sur les troubles du comportement liés à l'utilisation
des benzodiazépines et produits apparentés (BZD*)
- Commercialisées depuis plus de 40 ans, les BZD largement sont utilisées en pratique courante pour leurs propriétés anxiolytique, sédative, myorelaxante et anticonvulsivante.
- Les BZD peuvent entraîner des troubles du comportement parfois graves, qu'il faut savoir repérer et éviter au maximum, notamment en respectant leur bon usage.
- La prescription des BZD n’est pas anodine. Elle ne constitue pas le traitement de fond d’un trouble anxieux. Une dépression doit être systématiquement recherchée.
Troubles du comportement liés à la prise de BZD
Quels sont-ils ?
Les BZD peuvent entraîner un syndrome associant, à des degrés divers, une altération de l'état de conscience à des troubles du comportement et de la mémoire, c'est-à-dire :
- désinhibition avec impulsivité ;
- euphorie, irritabilité ;
- amnésie, typiquement de fixation ;
- suggestibilité.
Ce syndrome peut s'accompagner de troubles potentiellement dangereux pour le patient ou pour autrui, à type de :
- comportement inhabituel pour le patient ;
- comportement agressif, notamment si l'entourage tente d'entraver l'activité du patient ;
- conduites automatiques avec amnésie post-événementielle (par exemple : voyages lointains).
L'individualisation de ce syndrome est parfois difficile. Il doit être distingué d'autres entités cliniquement proches (ictusamnésique, amnésie lacunaire observée au décours d'un alcoolisation aiguë). Toutes les benzodiazépines et les produits apparentés sont concernés.
Quand surviennent-ils ?
A n'importe quel moment du traitement :
- lors d'une administration même unique, même à posologie habituelle ;
- quelle que soit la durée du traitement.
Quels sont les facteurs favorisants ?
Ils ne sont pas formellement identifiés. Certains semblent probables :
une consommation concomittante d'alcool, des antécédents d'ivresse pathologique (avec troubles du comportement),
- l'utilisation de BZD à courte durée d'action ;
- l'association à un autre psychotrope ;
- certains comportements à type d'intolérance à la frustration, tels qu'observés chez les personnes présentant un trouble de la personnalité ;
- une dépression non traitée (majoration du risque suicidaire).
Afin d'évaluer au mieux ces troubles, toute suspicion en relation avec la prise de BZD doit être signalée aux Centres Régionaux de Pharmacovigilance (CRPV).
Rappel du bon usage des BZD
Ne pas prescrire en dehors des indications : s'assurer du bon diagnostic
En raison du danger potentiel lié à l'utilisation de BZD :
Le rapport bénéfice/risque de toute prescription doit être :
- évalué avant le début du traitement ;
- réévalué pour tout renouvellement d'ordonnance ;
Une dépression doit être systématiquement recherchée.
Attention : une insomnie ou des troubles anxieux peuvent être associés à une dépression et en être les principaux symptômes chez certains patients.
Chez le sujet anxieux :
Les BZD ne sont qu'un traitement symptomatique et ne constituent pas la seule prise en charge.
Leur prescription n'est pas toujours justifiée.
Chez le sujet déprimé :
Les BZD ne doivent pas être prescrites seules car elles laissent la dépression évoluer pour son propre compte avec persistance du risque suicidaire (notamment par intoxication médicamenteuse).
Chez les sujets avec anxiété et troubles du sommeil, elles peuvent être utiles en début de traitement de la dépression, en raison de l'action retardée des antidépresseurs (2 à 4 semaines).
Respecter la dose
Débuter le traitement par la dose minimale préconisée
Augmenter, si nécessaire, jusqu'à la dose minimale efficace pour le patient
Ne pas dépasser la dose maximale préconisée
Respecter la durée de prescription
Elle doit être aussi brève que possible, notamment :
de 8 à 12 semaines dans les troubles anxieux,
réduction de posologie comprise,
de 2 à 5 jours en cas d'insomnie occasionnelle et 2 à 3 semaines en cas d'insomnie transitoire (excepté pour fluni trazépam et triazolam, dont la durée de prescription ne doit pas excéder 14 jours).
Respecter les contre-indications
Les BZD ne doivent jamais être utilisées en cas de :
- insuffisance respiratoire sévère ;
- syndrome d'apnée du sommeil ;
- insuffisance hépatique sévère ;
- hypersensibilité connue.
Elles sont généralement déconseillées en cas de :
- myasthénie ;
- grossesse, allaitement ;
- association avec l'alcool ;
- enfant de moins de 15 ans.
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