http://www.lyoncapitale.fr/Journal/France-monde/Actualite/Sante/Antidepresseurs-tous-les-risques-bientot-publicsVous êtes déprimé ? Renseignez-vous bien avant de prendre des médicaments. Car certains antidépresseurs peuvent vous faire tomber dans l’alcoolisme, un effet secondaire soigneusement occulté par les fabricants… Une décision imminente de la Cour de justice de l’Union européenne pourrait obliger l’industrie pharmaceutique à plus de transparence.
Elle n’arrivait pas à se remettre du décès de son père. Alors son médecin a prescrit à Anne-Marie Cook, une aide-soignante du sud de l’Angleterre, l’antidépresseur Deroxat. En quelques mois, cette femme de 40 ans en bonne santé, sans problème particulier, devient alcoolique, agressive, perd son travail et sa maison. Quand elle arrête le Deroxat, ses pulsions disparaissent. Un cas isolé ? Non, affirme le psychiatre britannique David Healy, créateur du site Rxisk.org sur les effets secondaires des médicaments. Il a répertorié plus de 40 cas similaires.
Tueurs fous et femmes enceintes
Un élément de plus dans le dossier à charge contre les antidépresseurs, qui sont déjà impliqués dans la plupart des épisodes de “tueurs fous” aux États-Unis (notamment à Columbine, en 1999), mais aussi en France (l’an dernier à Sète et plus récemment, semble-t-il, dans le cas du tireur de Libération). À tel point que l’administration américaine a obligé les fabricants à faire figurer sur les boîtes un avertissement, le black box warning, prévenant des risques accrus d’épisodes violents et de suicides.
“Un médicament vendu sur ordonnance peut vous rendre alcoolique, suicidaire, ou faire de vous un meurtrier”, résume le professeur Healy. On peut d’ailleurs établir un “palmarès” des médicaments les plus susceptibles de provoquer des accès de violence : ce sont tous des “best-sellers”. Sur ce sinistre podium, le “gagnant” est Champix (varénicline, pour arrêter de fumer), suivi par Prozac (fluoxétine) et Paxil (paroxétine).
Une victime s’est consacrée (jusqu’à sa mort, en 2012) à répertorier les cas d’accès de violence, de suicides et de comportements étranges sous médicaments. Son site s’appelle Ssristories.com (SSRI est l’acronyme anglais pour “inhibiteurs sélectifs de la recapture de sérotonine”, les antidépresseurs comme le Prozac).
Ces molécules sont devenues, en 2012, les médicaments les plus prescrits aux femmes enceintes. Sous prétexte que la dépression serait dommageable à la mère et à l’enfant… Étrange argument, quand on sait qu’ils multiplient par deux le risque de fausse couche et de malformations, et qu’ils peuvent provoquer des retards cognitifs importants.
Les essais cliniques devant la Cour de justice européenne
L’industrie pharmaceutique mène elle-même les essais cliniques sur les médicaments qu’elle vend. Elle “arrange” les résultats pour les faire paraître plus efficaces, et dissimuler leurs effets secondaires. Une étude a cinq fois plus de chances d’avoir des conclusions positives si elle est menée par l’industrie que si elle l’est sur des fonds publics.
Entre 50 et 60 % des études menées par les firmes ne sont jamais publiées. On s’en rend compte quand un scandale éclate et que la justice (américaine, plus offensive grâce aux class actions, ces actions collectives en justice de victimes) impose l’accès aux données brutes, non maquillées, des essais.
Or, une bataille se joue en ce moment devant la Cour de justice de l’Union européenne. Des sources généralement bien informées révèlent que la décision, qui n’a pas encore été rendue publique, serait en faveur de la transparence. La Cour pourrait revenir sur son référé de mai 2013, et obliger l’industrie à laisser l’Agence européenne du médicament (Ema) rendre publiques les données d’essais non trafiquées. Un camouflet pour les firmes… et une avancée majeure pour la santé publique. Car comment, moralement, opposer le secret commercial à la sécurité et à la santé des patients ?